CONTE D'AFRIQUE
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Le chamelon
Quelque part dans le beau village de nafka, situé sur la corne de l'Afrique, un chamelon naquit bleu , de la tête aux pieds ! Il était si bleu que le ciel en fut jaloux et devint gris! Ce fut un grand choc pour Masego la chamelle, sa mère, qui depuis longtemps convoitait un petit. Le nouveau bébé du troupeau au pelage bleu, de la tête aux pied, serait un grand désarroi dans le cœur de sa mère à chaque fois qu'elle devait l'allaiter ou le toiletter.
Comme tous les chamelons de son âge, il était curieux et désirait explorer son environnement, aussi sèches et arides qu'étaient les côtes de la mer Rouge. Quand le chamelon fut sevré et qu'il put déambuler à sa guise dans le troupeau, tous les chameaux l'évitaient ou l'exposaient à des railleries sans qu'il n'en comprenne lui-même la raison. Les regards insistants et les jugements faisaient énormément souffrir sa maman Masego. Elle supportait de moins en moins les moqueries que son petit subissait. Elle était si triste qu'elle cessa de se nourrir, au point de maigrir et d'être vendue au premier venu.
A partir de ce moment, le jeune chamelon fut encore plus isolé de reste du troupeau. Il recevait moins de plantes que les autres et était le dernier à boire dans les sources. Et c'est lors d'une halte dans les oasis, que le chamelon bleu, tout assoiffé, plongeant son museau pour boire, sursauta à la vue de son reflet. Il comprit la raison de tant de haine. Il tenta malgré tout de se faire accepter des autres, de marcher, de déblatérer comme eux, mais tous restaient insensibles face à ses efforts; y compris son maître qui cherchait la première occasion pour se débarrasser de lui !
Un jour, alors que ces efforts semblaient vains et que le découragement augmentait peu à peu dans son cœur, arriva une jeune femme nommée Winta. Elle vint avec son grand troupeau à la rencontré du vieil homme.
-Je te salue homme dont la sagesse est reconnue par les terres que tu as foulées. Je suis Winta, jeune héritière du peuple Afars. Je promenais le troupeau de mon père quand j'ai aperçu dans le tien, une ressource rare et des plus précieuses. Permets moi de l'acquérir en échange de dix chameaux que tu auras la latitude de choisir.
-Comme il te plaira, jeune enfant, répondit le vieil homme.
Winta se rapprocha tout doucement du chamelon devenu plus grand.
- Jeune enfant, je t'avais cru plus maligne, dit le maître. Mais faire ce choix me fait remettre en doute l'héritage que te confie ton père. Ce chameau au pelage repoussant, c'est tout ce qu'il y a de plus malheureux, mais bon, la vie te conseillera mieux.
Winta répondit par un sourire et laissa le vieil homme s'éloigner avec son troupeau. Winta fit ensuite promener le chamelon dans le troupeau pour qu'il rencontre les autres quand soudain, son regard croisa celui de sa mère. Elle le serra avec tout son amour. Le chamelon et sa mère se mirent aussitôt à pleurer. Winta témoin de le scène lui demanda :
-Qu'y a-t-il , jeune chamelon ?
-Voici ma mère maîtresse, ma différence lui a causé beaucoup de peine et de tourments et j'en suis navré.
-J'ai senti ta peine et ton envie de prouver ta valeur, lui dit Winta. Être différent n'a rien d'anormal, c'est le propre de tous les êtres vivants.
Même une mère lionne fait la distinction entre ses petits de la même portée. Pourquoi ton pelage ne serait-il pas une bénédiction des dieux ?
Le chamelon bleu lui répondit tristement.
-Comment penser de la sorte lorsque vous êtes délaissé et traité différemment des autres? En plus, l'on ne m'a jamais attribué de nom.
Winta prit le chamelon et sa maman dans ses bras.
-Voici que je te donne un nom digne d'intérêt. Tu t'appelleras Jemal et tu seras la preuve que la différence est source de richesse.
-Ô maîtresse, que vos paroles se réalisent ! s'exclama maman Masego.
- Maintenant, permets-moi de prendre place entre tes magnifiques bosses et se siéger confortablement dans ce beau pelage ciel.
Jemal s'accroupit aussitôt. Jamais il n'avait reçu autant de respect et d'amour. C'est ainsi que Winta et Jemal parcoururent le grand désert jusqu'au campement Afar (peuple d'Ethiopie). De loin, on pouvait voir arriver la silhouette de Winta, vêtue d'un habesha kemis (tenue traditionnelle des femmes) de vives couleurs et de parures scintillantes qui ornaient ses vêtements et son corps. Elle portait autour de la tête, un netela (forme de foulard) pour se protéger des vents forts. Elle était dressée sur un chameau bleu et avançait avec beaucoup d'assurance. Il se trouvait à sa suite, six fois le troupeau de départ qui chaque fois que l'occasion se présentait -la nuit en est témoin- les chamelles se ruaient vers Jemal pour s'accaparer cette beauté qui autrefois inspirait la honte. Au petit matin, des petits chamelons naissaient plus beaux et plus forts et encore plus bleus..
MORALE DE L'HISTOIRE/ La différence est un don offert à l'humanité
( Kosséa GNAGO, Camilla KANGAH)